Evolution ou création : peut-on éluder le débat?
Introduction
L’an dernier [en 2001], au Salon international du Livre et de la Presse de Genève, je m’enquis, auprès du représentant d’une revue scientifique, de la position que celle-ci défendait sur le grand sujet de l’évolution et de la création. Je fus surprise de sa réponse : il était d’avis que cette question était un faux débat et manifesta un léger agacement mêlé de lassitude à devoir une fois de plus aborder ce thème qui lui semblait si dépourvu d’intérêt par rapport aux tant d’autres sujets passionnants – dont j’avoue qu’ils me dépassaient – dont traitait la revue qu’il promouvait. Il me proposait une sorte de compromis nébuleux entre les deux alternatives qui me rappela les bulletins météo de fin de semaine, rédigés de sorte à ce qu’on n’annule pas ses projets de week-end, tout en ayant compris qu’il ne va pas faire beau… En d’autres termes, il me suggérait de renoncer à un débat qu’il jugeait vain et dépassé. Et vous, y avez-vous renoncé?
Plan
Examinons d’abord ce qui sous-tend les deux thèses susmentionnées. Après quoi, nous nous demanderons si la question de l’évolution ou de la création peut être éludée aussi aisément et si elle constitue effectivement une controverse sans intérêt. Car quelle est finalement la différence si fondamentale entre l’explication dite «scientifique» de nos origines et celle décrite dans la Bible? Vaut-il vraiment la peine d’en faire un débat? Ces deux explications sont-elles réellement si opposées et contradictoires? Faisons le point. Et peut-être l’approfondissement de cette discussion amènera-t-il tout naturellement une réponse à la question que nous nous posons : «Evolution ou création : peut-on éluder le débat?»
Evolution ou création?
La théorie de l’évolution est comme son nom l’indique une théorie. Le dictionnaire donne pour «théorie» la définition suivante : «Connaissance spéculative, idéale, indépendante des applications. En théorie : en spéculant, de manière abstraite; en principe.»
Remarquez que le terme «évolution» n’est jamais dissocié de celui de «théorie». L’évolution n’est donc autre qu’une hypothèse, c’est-à-dire la somme de «connaissances spéculatives et indépendantes des applications». En d’autres termes, elle est construite sur la base d’informations qui n’ont à ce jour pas été vérifiées.
Sous le terme «évolution», on peut lire dans le Larousse : «Théorie synthétique de l’évolution, qui a concilié progressivement les données de la génétique, de l’embryologie, de la paléontologie, de la systématique et de la biologie moléculaire avec la théorie de Darwin.»
Notez la tournure on ne peut plus explicite de la définition : c’est la théorie de l’évolution qui a concilié les acquis de la science avec la théorie de Darwin. Il n’est ici aucunement question que la théorie de l’évolution soit le fruit de découvertes dans les domaines respectifs de la génétique, de la paléontologie ou de la biologie moléculaire : le dictionnaire indique clairement qu’elle est une sorte d’arrangement entre des données vérifiées scientifiques et les hypothèses d’un homme.
Plus loin, le dictionnaire poursuit : «Théorie synergique de l’évolution, qui considère qu’une sélection dite multipolaire, qu’elle soit naturelle ou artificielle, peut s’exercer à tous les niveaux du vivant, de la molécule biologique à l’écosystème, et non seulement au niveau des populations.»
Relevez ici le terme «considère» qui dénote une fois encore de la subjectivité du raisonnement. La théorie synergique de l’évolution fait des considérations. Elle n’est parvenue à aucune vérification de faits découlant d’expériences scientifiques fondées; elle considère qu’une sélection multipolaire peut s’exercer à tous les niveaux du vivant.
Seulement voilà, la «considération» est allée si loin, qu’elle est imprimée dans les livres de savoirs et enseignée dans les écoles comme une donnée scientifique vérifiée.
Si la théorie de l’évolution ne s’appuie ni sur rien, ni sur personne, le récit biblique de la création est basé, lui, sur la personne de Dieu. La création a un fondement : le texte biblique inspiré du Créateur même. L’évolution ne repose sur aucune base solide, c’est pourquoi elle est impossible à prouver. A l’opposé, de nombreuses découvertes scientifiques corroborent aujourd’hui le récit biblique de la création. On a notamment compris que l’âge de la Terre est très nettement inférieur à ce que l’on pensait, en mesurant la couche de sédiments se déposant annuellement sur notre planète : si elle datait de plusieurs milliards d’années, nous en serions complètement recouverts! On a également mis en lumière le fait que les dinosaures ont cohabité sur la Terre en même temps que l’être humain, ce qui anéantit la théorie de l’évolution qui place des milliards d’années entre la disparition des animaux préhistoriques et l’apparition de l’homme. Des empruntes d’homme et de dinosaures ont été découvertes dans les mêmes strates, et en particulier une trace de pied d’homme à l’intérieur de celle d’une patte de dinosaure.
Cependant, le Dieu créateur de l’univers étant souverain, il a choisi de ne pas chercher à prouver le récit et les explications qu’il donne sur les origines du monde dans le message qu’il a laissé aux hommes : la Bible. Mais pourquoi n’essaie-t-il pas de démontrer qu’il est bien lui et qu’il dit vrai? Eh bien parce qu’il tient à ce qu’on entre en relation avec lui au travers de la foi, et non sur la base de déductions intellectuelles. Et d’ailleurs : pourquoi l’initiateur de tout l’univers devrait-il se justifier auprès de ses créatures? Un père prouve-t-il systématiquement sa paternité à ses enfants au moyen d’un test ADN? Et au même titre, lorsque vous devez rassurer votre enfant et calmer ses pleurs, alors que vous êtes sur le point de partir, que lui dites-vous pour l’apaiser? Ne lui répétez-vous pas simplement que vous allez revenir? Ou bien lui exposez-vous toute une série de preuves de votre bonne foi, de la confiance qu’il peut accorder à vos dires?… D’ailleurs, votre enfant exige-t-il jamais des preuves de votre parole? A-t-il jamais hurlé jusqu’à ce que vous lui signiez une décharge en cas de non retour? N’a-t-il pas toujours fini par s’apaiser et s’endormir, confiant que vous ne lui avez pas menti? Et s’il exigeait des garanties de votre bonne foi, comment vous y prendriez-vous pour lui prouver que vous dites vrai?…
Quand il s’agit d’une relation d’amour et de confiance, on quitte le domaine où tout s’appuie sur des preuves. Ceux qui croient au récit biblique de la création se considèrent comme les enfants d’un Père dont ils savent qu’il les aime et qui par conséquent leur dit toujours la vérité. On ne peut donc pas parler d’une «théorie de la création», parce que le récit de la genèse n’en a aucune des caractéristiques : il ne cherche pas à apporter des preuves à ce qu’il affirme, parce qu’y adhérer implique croire en un Dieu souverain et créateur de tout l’univers dont la Parole (la Bible) est la vérité. Et lorsqu’on approfondit le texte biblique en le considérant à la lumière de nos connaissances scientifiques actuelles, on découvre un récit cohérent, vraisemblable et vérifiable.
Mais comment peut-on croire? Eh bien au moyen d’une décision personnelle, grâce au facteur auquel je faisais mention plus haut : la foi. C’est uniquement cette foi qui amène à la conviction que Dieu existe, qu’il est le créateur de tout et que tout ce qui est écrit dans la Bible est pure vérité donnée par pur amour par le Créateur à ses créatures.
Certains non croyants – des scientifiques, notamment – s’étant penchés sur la question, en sont arrivés à adhérer à la thèse biblique de la création, plutôt qu’à celle de l’évolution, par procédé d’élimination en quelque sorte : les failles trop importantes, les contradictions flagrantes et le taux de suppositions non vérifiées (et pourtant admises et présentées comme des réalités scientifiques) qu’ils ont découvertes au sujet de cette dernière théorie ne leur permettent pas de la cautionner ni de lui accorder le minimum de crédit nécessaire à la défense d’une hypothèse.
Ma position
Je ne fais pas partie de cette dernière catégorie de personnes, arrivées intellectuellement et comme par élimination à ne plus croire à la théorie de l’évolution. Parce que comme la plupart d’entre vous, je n’ai eu entre les mains ni les éléments, ni la connaissance, ni le temps nécessaire et ni peut-être assez de motivation pour me plonger dans des recherches qui auraient pu m’amener à cette conclusion. Et c’est là ma thèse : les personnes susmentionnées sont des exceptions, et je pense que si on leur propose un jour une théorie alternative – même étayée par des preuves mensongères – qui leur plaît, elles l’y préféreront au récit biblique de la création. Pourquoi? Parce que le fondement de leur conviction n’était qu’intellectuel. Or le facteur qui m’a amenée à être convaincue aujourd’hui que le récit biblique du commencement de tout est véridique n’a aucun fondement intellectuel, bien qu’il ait, avec le temps, influencé mon intellect et y ait assis mes convictions.
Comme tout petit helvète, j’ai appris à l’école que je descendais du singe et j’ai eu les yeux rivés à l’énorme pancarte laminée accrochée au tableau noir représentant de gauche à droite un singe de moins en moins voûté et de plus en plus ressemblant à mes congénères : l’homme. Le vendredi matin, juste avant les heures de «dessin et mises en ordre» de l’après-midi, nous avions droit à une leçon d’histoire biblique. On y coloriait les poissons que les disciples avaient péchés dans le lac Galilée, sous le titre «la pêche miraculeuse», on en ressortait avec la tête pleine de noms bizarres venant d’un pays lointain et désertique comme «Génésareth», «Golgota» ou «Magdala». Et puis au début du livre, il y avait un dessin de piètre qualité (en bichromie pour limiter les coûts de l’impression) d’un homme et d’une femme nus dont les parties critiques étaient recouvertes de feuilles de vignes. C’étaient Adam et Eve, les «larrons de la fable», les mêmes dont on me ressassait le récit loufoque à l’école du dimanche : l’autre facette de mes ancêtres. La partie risible de la chose, en quelque sorte.
Comme son nom l’indique, l’«histoire» biblique nous était présentée comme une histoire ou une légende, alors que la version «singes» nous était enseignée comme une vérité scientifique, au même titre que la découverte de l’électricité, de la lumière ou que l’invention de la roue. Le pasteur disant blanc et les instituteurs noir ou blanc selon la branche étudiée, nous ressortions du système scolaire avec un bagage grisâtre qu’on préférait jeter quelques mètres plus loin, pour éviter de se faire des cheveux gris avant l’âge. Comme l’aimable monsieur du Salon du Livre, nous éludions la question parce qu’elle n’avait somme toute pas de réponse. Ma gentille maîtresse blonde avait rit aux larmes derrière ses grosses lunettes, et ses joues s’étaient enflammées de rouge quand j’avais osé lui poser la question, quelques années auparavant : «Qu’est-ce qui est vrai : on descend du singe, ou d’Adam et Eve?» Mais j’étais rentrée à la maison sans réponse, ce jour-là. Alors au fil du temps, j’ai adopté naturellement la version qu’on m’avait présentée comme la plus sérieuse et la plus crédible. Et j’ai oublié de vouloir chercher : l’âge des «pourquoi» était largement passé.
Puis il y a eu dans ma vie un moment très précis où Dieu m’a révélé son amour. De cette compréhension a découlé l’évidence que la Bible était son message pour moi. J’ai alors découvert que ce que Dieu disait sur la création du monde et sur la destinée de l’être humain était en opposition complète avec ce qu’on m’en avait appris (théories scientifiques et philosophies diverses). Voici sur quels points portent les principales contradictions :
– La Bible dit que Dieu a toujours existé : tout commence par quelqu’un. J’avais appris que Dieu était une sorte de légende, de conte de fées : que tout avait débuté par quelque chose, une gigantesque explosion.
– La Bible dit que Dieu a créé les animaux, et l’être humain distinctement : que ce dernier est le seul être vivant constitué d’un esprit, en plus d’une âme et d’un corps. J’avais appris que j’étais le résultat de la lente mutation d’un animal, que je n’étais au fond rien d’autre qu’un mammifère évolué.
– La Bible explique que Dieu a créé l’être humain par amour, qu’il a des projets de bonheur et non de malheur pour lui, qu’il lui a donné vie dans un but très précis. J’avais appris que j’étais là par hasard, que la vie n’avait pas de sens.
Or la remise en question soudaine de ce qui constituait une grande partie de mes certitudes les plus fondamentales fut pour moi un choc profond. C’était comme si on m’arrachait le cœur ou un poumon. Tout ce que les personnes que j’avais eues pour référence (mes parents, mes instituteurs, les auteurs des livres scientifiques que je lisais, les savants que j’entendais à la radio, ceux que je voyais à la télévision) m’avaient appris à ce sujet s’écroulait, partait en fumée. C’est pour toute personne qui passe par cette remise en question un bouleversement profond de son entendement. Et il fallait que cette nouvelle conviction soit solide, pour faire table rase de vingt-trois ans (dans mon cas; peut-être beaucoup plus pour d’autres) de certitudes admises, bien qu’infondées!
Pourtant j’atteste aujourd’hui que les conceptions antérieures au moment où l’on croit en la Parole de Dieu sont ébranlées et annulées par la foi en celle-ci, et qu’elles sont remplacées par une paisible conviction, profonde et immuable, sans commune mesure avec ce qu’on croyait être vrai auparavant.
Alors peut-on éluder le débat?
Certainement pas, puisque la question de croire à l’évolution ou à la création touche au fondement même du sens et de l’éthique de notre vie. Ce qui sous-tend la pensée évolutionniste imprègne profondément la conscience de la plupart des hommes d’aujourd’hui et a pour conséquence de laisser toutes les questions suivantes sans solution ni réponse.
En effet, quelle motivation peut-on avoir à :
– se comporter de façon honnête et altruiste si l’on est imprégné par la pensée qu’aucun être aimant n’existe au-dessus de nous pour nous demander d’avoir ce genre d’attitude louable?
– vivre pour construire quelque chose de durable si l’on est persuadé que sa vie est inutile et qu’elle découle du plus grand des hasards?
– chercher à maîtriser ses instincts élémentaires pour baser sa conduite sur le respect et l’intérêt de ceux qui nous entourent si l’on pense n’être qu’un animal évolué?
– consacrer sa vie à autre chose qu’à la satisfaction de ses inclinations et à la recherche effrénée des plaisirs que peut offrir cette existence?
– vouloir se battre pour triompher des épreuves et vaincre la détresse et le désespoir si l’on croit trouver dans la mort au pire le néant et l’absence de tracas et au mieux le soulagement et le repos définitif?
Toute fermeté est en train de disparaître de l’éducation, faisant place à une remise en question totale de la notion d’autorité. La dépression, les maladies psychiques et le suicide ravagent les jeunes générations. La recherche démesurée du plaisir sous toutes ses formes détruit ceux qui se laissent piéger par les paradis artificiels qu’elle leur promet.
On peut, au risque de s’effondrer à la moindre secousse, exister en étant athée, agnostique, humaniste, rationaliste, matérialiste, en adhérant au panthéisme, à l’existentialisme, au mysticisme, au monisme, à l’animisme, au polythéisme, au dualisme ou au déisme. On peut croire en l’une ou l’autre philosophie, tenter de combler la futilité de son existence en se créant des buts, en se cherchant des intérêts, en s’adonnant à des passions. On peut passer sa vie à se poser la question «Qui a créé Dieu?», sans vouloir admettre qu’il a toujours existé et que cette réalité nous dépasse.
Mais j’atteste qu’on ne peut pas être parfaitement heureux ni travailler au bonheur de ceux qui nous entourent, sans : renouer avec Dieu, découvrir qu’on est une créature spirituelle précieuse aux yeux de son créateur, naître de nouveau et répondre à son appel en entrant dans la merveilleuse et unique destinée qu’il a prévue en Père aimant pour chacun de ses enfants, dès la fondation du monde. Et je prétends que cette démarche sincère appelle une démarcation forcée et automatique de toute pensée découlant de la philosophie évolutionniste.
On comprend alors qu’il est insensé de vouloir encore prétendre que la thèse de l’évolution est compatible ou n’entre pas en complète contradiction avec le récit de la création, ou que l’opposition de ces deux conceptions de nos origines est un faux débat; à moins d’admettre qu’on puisse être dans le même temps un être spirituel créé par amour dans un but précis et un mammifère inutile issu du hasard du néant!…
Maintenant que vous avez compris qu’aucun de vos aïeuls n’a jamais été singe, remettez-vous à penser comme un être humain! Ou remettez-vous à penser comme un être humain et vous comprendrez qu’aucun de vos aïeuls n’a jamais été singe!…
Natacha Niklaus