La croix et le cristal ou le bradage d’une identité
Le 8 décembre 2005, un nouvel emblème a été institué en complément de la croix et du croissant rouges, jusqu’ici seuls signes reconnus du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il s’agit du cristal rouge. Cette décision a été prise par la Conférence diplomatique qui a adopté à cet effet un troisième Protocole additionnel aux Conventions de Genève.
Les 20 et 21 juin 2006, se tient à Genève la XXIXe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, plus haute instance d’autorité du Mouvement[1]. Deux de ses principaux objectifs sont : adapter ses statuts aux dispositions du troisième Protocole afin que le nouveau signe puisse commencer à être utilisé et examiner et approuver le nom de «cristal rouge» afin de l’adopter pour le nouvel emblème. Celui-ci est utilisé officieusement depuis 2001.
Origines de la Croix-Rouge…
Dans son ouvrage Une lumière sur le monde – la Croix-Rouge internationale, Noëlle Roger écrivait en 1940 : «La Croix-Rouge est le dernier Evangile que reconnaissent les hommes qui foulent aux pieds les commandements divins.»
Henry Dunant, son fondateur, naît dans une famille dont le mot d’ordre est : «servir Dieu et les hommes». Ses parents sont consacrés au secours des orphelins. Apprenti banquier, il s’initie au monde des affaires. A 18 ans, il visite les malades et les pauvres, prend conscience de la misère humaine et du fait qu’on ne peut la combattre seul. A l’âge de 21 ans, il fonde l’Union chrétienne des jeunes gens. Ses camarades admirent sa «piété active». Tout le passionne. Quant à la guerre, il éprouve le besoin d’être au plus près de cette chose monstrueuse. En 1859, Napoléon III s’apprête à libérer l’Italie de l’oppression de l’Autriche. Dunant parvient à se trouver sur les lieux de la terrible bataille de Solférino. Il en reviendra profondément affecté par la condition des blessés de guerre et des mourants et consignera ses impressions dans son livre Un souvenir de Solférino. C’est cet événement déclencheur qui conduira à la création en 1864 du Comité international de la Croix-Rouge.
Les emblèmes de la Croix-Rouge
Les emblèmes de la Croix-Rouge ont deux usages distincts : celui de protection et celui d’indication. Le premier consiste à signaler les personnes et équipements sanitaires pour leur garantir protection et le second à indiquer que des gens ou des biens ont un lien avec le Mouvement (logos des Sociétés nationales).
Les résolutions de la Conférence internationale de Genève, constituante de la Croix-Rouge, du 26 au 29 octobre 1863, stipulent, à l’article 8 : «Ils [les infirmiers volontaires] portent dans tous les pays, comme signe distinctif uniforme, un brassard blanc avec une croix rouge.» L’emblème originel de la Croix-Rouge représente le drapeau suisse aux couleurs inversées.
Or, lors de la guerre russo-turque de 1876-1878, l’Empire ottoman remplace l’emblème de la croix par celui du croissant rouge. Il avait pourtant adhéré à la Convention de Genève sans réserve, en 1865. Il déclare qu’il respectera le signe de la croix rouge arboré par ses ennemis, mais qu’il adoptera le croissant rouge pour lui-même. Il affirme qu’il a jusqu’ici été paralysé par la nature du signe distinctif de la Convention de Genève qui blessait les susceptibilités du soldat musulman. La Turquie a pris cette décision de façon tout à fait unilatérale. Le Comité international a fini par accepter cette modification, mais uniquement pour la durée du conflit en cours. Mais l’Empire ottoman a continué à utiliser l’emblème du croissant rouge au-delà de la guerre, et il en a même demandé la reconnaissance par les Conférences internationales.
La Perse, elle, revendique la reconnaissance du lion-et-soleil rouge. La nouvelle République islamique d’Iran renoncera à cet emblème en 1980, pour adopter à son tour le croissant rouge. La Conférence diplomatique de 1906 avait maintenu l’unité du signe distinctif de la croix, en autorisant la Turquie et la Perse à émettre des réserves. Celle de 1929 reconnaît le croissant rouge, utilisé par la Turquie et l’Egypte, ainsi que le lion-et-soleil rouge de la Perse. Mais craignant une prolifération d’emblèmes, la Conférence précise qu’elle ne reconnaîtra désormais aucun nouveau sigle.
En 1949, elle rejette d’ailleurs trois propositions majeures : l’initiative néerlandaise d’adoption d’un signe unique nouveau, celle de la XVIIe Conférence internationale de revenir au signe unique de la croix rouge ainsi que la demande d’Israël de reconnaissance du bouclier-de-David, déjà utilisé comme signe distinctif des services de santé des forces israéliennes. Bien que le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge entretienne une collaboration étroite avec la Société Nationale d’Israël, cette dernière n’est pas reconnue comme appartenant au mouvement, Israël refusant d’utiliser l’un des deux symboles autorisés.
Et aujourd’hui… le cristal rouge
Selon le CICR, le signe de la croix rouge ne revêt aucun caractère religieux : «En 1863 et 1864, (…) une croix rouge sur fond blanc a été adoptée en tant qu’emblème neutre (…). Il ne s’agissait pas d’un symbole religieux, mais tout simplement des couleurs inversées du drapeau suisse considéré comme incarnant l’exigence fondamentale de neutralité.» Toujours selon lui, cela altère le respect pour ces emblèmes ainsi que leur effet protecteur sur les victimes et le personnel humanitaire. C’est ce qui a amené l’idée d’un nouveau symbole additionnel et neutre de toute connotation religieuse, politique, idéologique ou culturelle.
Le CICR pense que le cristal rouge serait une des solutions possibles au «problème» d’Israël : «Cet emblème ne serait pas l’Etoile de David mais un carré rouge sur sa pointe; le cas échéant, Israël pourrait mettre l’Etoile de David en abyme (dans un carré blanc, au milieu du carré rouge) – cependant, uniquement comme “logo” indicatif, sans valeur d’emblème protecteur.» Israël serait dans un premier temps l’unique utilisateur du nouvel emblème.
Le Comité international de la Croix-Rouge a choisi ce symbole parmi quarante autres, pour son absence de connotation quelconque, parce que le terme «cristal» est identique en français et en anglais et parce qu’il a les mêmes initiales que la croix et le croissant rouges. François Bugnion, directeur du droit international au CICR, relève pourtant sa signification : «le cristal est symbole de pureté et de transparence, il évoque l’eau, source de vie».
Questions légitimes
L’Organisation internationale déplore que les signes de la croix et du croissant rouges soient «parfois perçus, à tort, comme ayant des connotations religieuses, culturelles et politiques.» Comment a-t-on pu en arriver à un tel aveuglement, alors que le croissant est le symbole avéré de l’Islam? Etrange, si le symbole du croissant est réellement dépourvu de connotation religieuse, que les gouvernements islamiques n’aient pas demandé (au lieu d’imposer!) à pouvoir utiliser un autre emblème, neutre de toute signification, celui-ci!
Etrange aussi qu’on ait tout à coup été si «sensibles» à la symbolique du bouclier-de-David (Etoile de David) dont Israël demande la reconnaissance depuis sa fondation, en 1949, si les «symboles ne symbolisent» plus rien, et si derrière eux une réelle guerre spirituelle n’est pas en jeu. La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey s’en indignait d’ailleurs : «C’est quand même curieux qu’après avoir approuvé l’adjonction du croissant de l’Islam, puis même du lion perse, ce soit pour s’opposer à l’étoile de David (en 1949, à une voix de majorité) que l’on ait soudain fait prévaloir des principes de neutralité et d’universalité qui, même il y a quelques dizaines d’années, n’étaient plus remplis par la croix.» [2]
Le CICR affirme que le nouveau symbole sera utilisé conjointement à ceux existants et ne les remplacera ni ne les annulera… sauf si le gouvernement d’un pays décide de l’utiliser en lieu et place de celui en vigueur jusqu’ici! Nul doute qu’un grand nombre de pays «chrétiens» s’empresseront de l’adopter, poussés par leurs aspirations inconditionnelles de tolérance. Pensez-vous, cependant, que les pays qui utilisent actuellement l’emblème du croissant rouge y renonceront pour des idéaux de neutralité religieuse? Si le post-modernisme occidental a réussi à vider la croix de sa substance, l’Islam, lui, y reconnaît le symbole de ce qu’il exècre : le sacrifice d’un Dieu vivant, crucifié puis ressuscité.
Le CICR assure également que le nom de l’Organisation ne sera pas changé, même si son nouvel emblème est adopté. Je suis persuadée qu’il faudra moins d’une génération pour que, les mots s’étant encore vidés de leur sens, on renonce à son appellation d’origine pour calquer le nom de l’Organisation sur son nouvel emblème. A l’appui de cette conviction, un simple rappel de faits. En 1929, l’usage du croissant rouge et du lion-et-soleil est autorisé. En 1986, la Vingt-cinquième Conférence internationale de la Croix-Rouge adopte les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, en lieu et place de ceux de la défunte Croix-Rouge internationale, qui avaient été entérinés en 1928.
Identité de l’Institution originelle
Si Henry Dunant a tenu à ce que la Croix-Rouge soit une institution neutre sur tous les plans, afin de pouvoir porter secours à un maximum de blessés sans être entravé par des barrières idéologiques ou religieuses, il est important de connaître certains éléments.
1° Le fondateur de la Croix-Rouge était profondément chrétien. En même temps que le secours et les soins, il apportait son Sauveur aux blessés, aux mourants.
2° Jésus seul peut inspirer une compassion totalement désintéressée telle que celle qui amena Henry Dunant à fonder cette organisation.
3° S’il ne semble pas exister d’attestation écrite que la croix ait été choisie pour sa signification chrétienne plutôt que pour le symbole de neutralité qu’elle représente (croix suisse), il est à noter que : a. La croix, en 1863, symbolisait sans équivoque la foi chrétienne. Un curé, ami de Dunant, y voit le sang du sacrifice et l’amour divin. Un autre ami y retrouve l’esprit du Christ. b. L’emblème de la Croix-Rouge représente le drapeau suisse aux couleurs inversées (Gustave Moynier, 1870). La croix suisse est incontestablement le symbole du Christ tout-puissant, de la foi chrétienne de nos ancêtres, fondateurs d’une nation basée sur un serment sacré, fait sous les yeux de Dieu.
4° Les premiers à répondre de façon concrète à l’appel d’Henry Dunant furent des chrétiens, qui récoltèrent des fonds et partirent secourir les blessés de Lombardie avec des moyens dérisoires, en leur apportant des Evangiles.
Pour conclure
Si l’adoption du cristal rouge permet à l’Organisation d’agir dans des pays qui lui étaient fermés jusqu’ici… tant mieux. Si elle ouvre la porte à Israël, lui donnant enfin la possibilité de ne plus être confiné à son seul territoire… tant mieux. Si des victimes et des humanitaires sont épargnés, mieux protégés par un signe plus neutre… tant mieux. Si des conflits sont évités… on peut toujours rêver.
Certes la Croix-Rouge n’a pas attendu de diversifier ses emblèmes ni de changer son nom pour galvauder la vision de son fondateur. Celui-ci eût-il été conscient de la vraie nature de l’Islam et de la déchristianisation systématique du monde qui allait lui succéder, peut-être aurait-il imprégné les statuts de son Œuvre de fondements plus solidement chrétiens?… Mais à son époque, Dieu existait encore et celui-ci était de fait l’initiateur de tout ce que faisaient les hommes de foi… Comment alors un chrétien de 1863 aurait-il pu soupçonner que Dieu mourrait, une petite centaine d’années plus tard, et qu’on pourrait dissocier de son Nom l’œuvre de toute une vie à son service?
L’emblème du cristal rouge fera son chemin, taillé sur mesure pour une génération assoiffée de globalisation et obsédée par l’inhibition de toute identité, surtout chrétienne. Mais puisque la neutralité spirituelle n’existe pas, quel dieu se cache derrière «l’eau, source de vie» évoquée par François Bugnion? Et quels seront les fruits de la «pureté» et de la «transparence» – qualités exclusives de Jésus-Christ – véhiculées par un symbole visant justement à exclure la véritable Source de Vie? Croix-Rouge… quo vadis?
Natacha Niklaus
Sources bibliographiques et internet :
Noëlle Roger, Une lumière sur le monde – la Croix-Rouge internationale, Librairie Payot, Lausanne
Vikipédia – Conventions de Genève : http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Gen%C3%A8ve
Vikipédia – Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_international_de_la_Croix-Rouge_et_du_Croissant-Rouge
CICR : http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/iwpList92/89535A3177916A02C1256C7500416E85
CICR – Droit International Humanitaire – Traités & textes :
http://192.91.247.98/DIH.nsf/COM/365-570047?OpenDocument
CICR – Questions et réponses au sujet de l’emblème additionnel :
http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/iwpList91/D3BF83290BA8C3D6C12570E70051D808
Un Swissroll : http://www.swissroll.info/?q=Cristal-Rouge
Société suisse de vexillologie : http://www.atlasgeo.net/ssv/fr/indexf.htm
Switzerland.isyours.com – histoire du drapeau suisse : http://switzerland.isyours.com/f/guide/general/histoire.drapeau.html
Dictionnaire historique de la Suisse – croix fédérale : http://hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10104.php
cyberpresse.ca : http://www.lapresse.com/article/20060618/CPACTUALITES/606180342/5024/CPDMINUTE
[1] Les cent huitante-trois Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, leur Fédération internationale, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les cent nonante-deux Etats parties aux Conventions de Genève constituent le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
[2] François Brutsch, site internet : Un swissroll