Chronique de la Réforme en Valais - chapitre 6 (partie 2)
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Quant à la personne de l'évêque, elle leur était odieuse. «Intéressez-vous en notre faveur à Rome, disaient-ils, et faites sortir un tel homme du milieu de nous; autrement nous serions occasionnés de songer nous-mêmes aux moyens de sauver notre patrie et de la préserver d'un schisme; ce dont le Seigneur Dieu Tout-Puissant, par l'intercession de la bienheurese Vierge, veuille la garder.»
A l'ouïe de ce langage, la France crut ne devoir plus tarder à séparer sa cause de celle de l'évêque; elle l'abandonna à la haine du peuple. La cour crut cependant devoir tenter encore de le faire descendre volontairement de son siège; et elle lui fit proposer une retraite de deux mille livres s'il remettait son évêché qui n'en valait pas six mille. L'évêque ferma l'oreille. Il a vécu dix ans encore, plutôt le prisonnier de ses diocésains que leur conducteur spirituel et leur prince. Alors la France résolue à remettre par quelque voie que ce fût le Valais «en goût de dévotion» choisit pour arriver à son but les moyens qui lui parurent les plus conformes à ses intérêts. Elle ne favorisa pas l'établissement d'un séminaire à Sion. Elle ne fit rien, que je sache, pour la restauration des jésuites, qui ne lui eussent pas appartenu(14). Mais elle appuya la rentrée des capucins, elle envoya dans le Valais des prêtres français et elle porta les Valaisans à aller au nonce faire leur soumission. Après avoir fait de bouche acte d'obéissance, ils ne tardèrent plus à la prouver par les faits. Les lois qui condamnaient les hérétiques furent exécutées. Les patriotes séparèrent leur cause de celle des réformés. Ceux-ci, la Bible à la main, quittèrent en grand nombre la terre de leurs pères. Il y en eut beaucoup qui se retirèrent dans le gouvernement d'Aigle, où plusieurs familles descendent de ces réfugiés. D'autres allèrent habiter les montagnes de l'Oberland, emportant la paix de Dieu sur leur tête et sur celles de leurs famillles. Il y en eut un plus grand nombre encore, principalement à Brig et à Louëche, qui, les regards arrêtés sur leurs terres et sur les foyers de leurs aïeux, n'eurent point le courage de sacrifier leurs souvenirs, leur repos et leur bien-être à leurs convictions. Ils crurent pouvoir rester réformés devant Dieu et faire profession du catholicisme devant les hommes; mais Dieu, qui ne bénit que la sincérieté ne conserva point dans le coeur de leurs enfans la flamme de l'Evangile. Cette lumière après avoir jeté pendant plus d'un demi siècle ses clartés sur le Valais, s'éteignit peu à peu. C'est à peine si l'on y sait aujourd'hui qu'il a été une époque à laquelle près de la moitié du peuple avait embrassé la Réformation, et qu'elle avait été bien près de conquérir la Vallée du Rhône tout entière.
C'est en l'année 1626 que cette expulsion de la Réforme s'est accomplie. Cette même année les Valaisans renouvelèrent à Fribourg, en grande pompe, leur alliance avec les sept cantons catholiques. Le roi de France daigna lui-même les féliciter de leur réconciliation avec l'Eglise.
Notes :
14) Ils ne rentrèrent en Valais qu'en 1650. Leur institut à Brig est de l'an 1686. A cette époque ils furent accueillis avec tant de faveur, qu'ils furent déclarés francs patriotes et par ce titre nantis de tous les droits de cité.
Sources :
Cette série d'articles est tirée de Le Chroniqueur, recueil historique et journal de l'Helvétie romande, renfermant le récit de la Réformation de ce pays publié dans les années 1835 et 1836, Imprimerie et librairie de Marc Ducloux. Compilation et mise en forme : APV.