Chronique de la Réforme en Valais - chapitre 4 (partie 2)
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Mais alors la jalousie de la France s'éveilla. Ses agens se répandirent à leur tour dans le Valais. Ils (...) soulevèrent la vieille haine [du Valais] contre l'évêque. (...) Le peuple, balloté par les menées de l'étranger, inculte comme ses montagnes, confiant et facile à tromper, se tournait et se retournait sans pouvoir trouver le repos. Ce n'étaient déjà plus les réformés qui étaient les objets de sa colère, c'était contre le pouvoir épiscopal que ses flots étaient soulevés. En ratifiant (...) l'élection de son nouvel évêque, Hildebrand Jost, il le contraignit à humilier sa crosse devant la majesté populaire, à reconnaître les hommes des dixains comme le vrai souverain de la vallée (...)(11).
L'évêque ne tarda pas à protester. Des députés arrivèrent des cantons catholiques; ils exprimèrent à leurs bons amis du Valais leur mécontentement de ce qu'ils avaient appris. «L'on assure, leur dirent-ils, que l'évêque ne jouit plus d'aucune autorité ni d'aucun respect parmi vous; que vous avez été jusqu'à le menacer de dresser la mazze(12) contre lui. Nous avons même entendu dire que vous devez, dans votre prochaine assemblée, proclamer la liberté de religion et introduire les ministres dans le pays, contrairement à nos traités. Déjà vous avez agi contre ces traités en vous alliant avec les Grisons. Nous ne voulons point gêner votre indépendance; mais nous vous prions de vous déporter d'une alliance qui ne saurait se concilier avec celle qui nous unit. Nous ne vous demandons que d'observer vos engagemens. Que si vous pensez autrement que nous, nous vous offrons le droit, ainsi qu'on a accoutumé de faire au louable pays de Suisse, et nous espérons que nos bons amis ne s'y refuseront pas.»
Les Valaisans, le capitaine du pays à leur tête, répondirent à ce langage par de la hauteur et par du mépris : «Sachez que nous sommes aussi libres que vous. L'ancienneté de l'alliance que nous avons avec vous ne nous a pas empêchés d'en conclure avec Berne, avec la Savoie; nous sommes amis de la France depuis les temps de Louis XII; nous avons trouvé bon de nous allier avec les Grisons; ne croyez pas que nous y changions rien.» - Après boire ils ajoutèrent à cette réponse des paroles piquantes et injurieuses. Les députés (...) ne manquèrent pas d'accuser de ces mauvaises dispositions la prétendue réforme, et de conjurer leurs cantons de songer sérieusement à exterminer l'hérésie dans le Valais.
Notes :
11) Court extrait de la correspondance du pape avec ses nonces en ces temps :
«Que les capucins ne nous laissent rien ignorer. (...) - Faites que l'évêque remplisse le pays de Jésuites. - Gardez d'offenser la France. - Ne mêlez l'Espagne avec la France en ces affaires, de peur que par diversité d'intérêt, ils ne gâtent tout. - Intéressez les cantons catholiques en faveur du Valais. - Chauffez, chauffez. - Il faut faire ensorte de couper aux hérétiques la voie et le commerce de Milan. - N'oubliez de faire payer à l'évêque sa confirmation. Quanto sia difficile il cavare denari di mano da quasta gente. [Malgré le fait qu'il soit difficile de soutirer de l'argent à ces personnes.]»
12) Mazze ou matze :
Ce mot tire son origine de l'expression italienne mazza (massue, masse). Dans un bref du pape Alexandre IV, du 7 janvier 1500, la mazze est décrite comme une image taillée dans le bois, figurant un visage humain avec une longue barbe ondoyante. Cette figure était exposée sur un pont ou sur une fontaine du village ou sur tout autre emplacement public où elle était l'objet d'une grande vénération.
C'est autour d'elle que se réunissaient les insurgés. Ceux qui voulaient participer à la lutte contre l'oppresseur venaient l'un après l'autre, en signe de ralliement à la cause populaire, enfoncer un clou dans la massue.
Puis la troupe de révoltés portait l'emblème de village en village, s'accompagnant parfois d'une chanson rimée. A peine la matze avait-elle désigné l'adversaire que les bandes excitées se jetaient sur sa maison et la détruisaient. Le vaincu et ses proches étaient bannis du pays.
Sources :
Cette série d'articles est tirée de Le Chroniqueur, recueil historique et journal de l'Helvétie romande, renfermant le récit de la Réformation de ce pays publié dans les années 1835 et 1836, Imprimerie et librairie de Marc Ducloux. Compilation et mise en forme : APV.